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L.L de Mars

Né en 1967 à Lorient.
« Je travaille depuis un peu plus de quinze ans sous le nom de L.L. de Mars ; je suis incrusté dans une dent creuse de la Bretagne, Rennes, depuis trop longtemps et j’y vis du R.M.I. Je sais plus très bien si c’est mon manque d’argent ou la certitude qu’à Kyoto la mélancolie a le même goût qui m’immobilise, mais je crois bien qu’on m’enterrera ici; la terre est un peu humide, les fleurs poussent bien. »

Question-Pourrais-tu nous décrire tes nombreuses activités et dire comment elles s’articulent entre-elles ?

« Les décrire, c’est à la fois très long et très rapide. Si je commence à être précis ça va être très ennuyeux; sinon, disons que comme tout le monde j’ai un champ spéculatif étroit, que je suis intellectuellement plus limité que mes ambitions, et que je roule depuis toujours sur deux ou trois idées à peine, quand la bêtise ne me pousse pas à les figer en certitude. Mais je m’offre tous les moyens possibles pour étayer mes prospectives, et pour ça les différentes pratiques artistiques apportent chacune un élément de clarification, d’expérience, d’invention, un système de modélisation propre défini par leur nature ergologique. Certaines hypothèses ne se pensent qu’en notes de musique, d’autres en systèmes de représentation iconographique, d’autres encore en articulations narratives pour, au bout du compte, servir un même fond conceptuel. Tout ça brosse ma théorie du sujet, complète mon territoire organique en quelques sortes, l’étend. L’autre raison est sans doute moins noble, ou moins méthodique, c’est l’ennui que me procurerait l’aliénation à une seule pratique et la panique imbécile, aussi, devant la possibilité d’être cloisonné.

Je suis une taupe.
 Mon travail s’est longtemps tenu entre mes activités de plasticien et l’écriture d’articles, de nouvelles  et parfois — le plus rarement possible — de poèmes. Vous pourriez en lire une grande partie sur ces pages, en trouver d’autres dans les revues Enculer *, MMI, La Parole Vaine , Pré Carré et quelques rares autres.
J’ai au passage composé quelques pièces vocales, instrumentales, acousmatiques, lu quelques livres en public , illustré quelques autres pour des lardons ou des adultes, dessiné trop de bandes dessinées, de dessins de presse, et fait quelques dizaines de videos.

Je l’ai fait en me tenant à une conception autonome des disciplines, à la singularité des pratiques, au jeu de leurs propriétés respectives : dubitatif devant les tentatives de compositions à pratiques mêlées (écriture dans la peinture, partition-graphe, fourre-tout visant plus ou moins inavouablement l’art total ou le spectacle), j’ai assez bordéliquement multiplié mes domaines d’activité au gré des rencontres problématiques, techniques ou charnelles. Non que mon champ spéculatif soit si vaste que ça (une vie humaine roule généralement sur deux ou trois pauvres idées au mieux, il reste à espérer qu’elles soient bonnes), mais les sillages possibles sont innombrables et ne peuvent pas se satisfaire d’un seul métier pour les recomposer inlassablement.

        S’il n’y a pas de confusion à établir entre les organisations qui emportent les problèmes soulevé dans et par mon travail, il m’est devenu de plus en plus difficile de séparer mes objectifs plastiques, sonores, de mon travail littéraire ; ce qui vise à être épuisé dans l’écriture comme jeu de motifs visuels — un coeur rouge, par exemple, sert d’articulation continue dans « la main» et illustre un possible mode plastique d’organisation romanesque — mes travaux plastiques sont envahis par la facture-même du livre (le « reste plastique », la « décharge », fils de reliure, papiers d’imprimerie, encres typo etc.), mes travaux sonores s’agencent comme archipels de discours et de figures, etc. Ce sont mes propres sillages d’impureté, de contagion, de percolation.

Au cours du colloque « de l’humour libéral…» (décembre 1999), je jetais rapidement les bases d’une hypothèse de travail superposant l’atelier (corps et pratique de l’art mêlés) à l’expérience complète de la vie, hypothèse qui fait de la pratique de l’art le champ de l’advention du sujet à la fois dans son organicité et dans la fluidité de son invention théorique. L’apport constant du travail de J.F. Savang sur le poème et la critique n’a eu de cesse de féconder cette hypothèse et de conduire ma réflexion sur l’advention du sujet aux multiples excroissances théoriques que vous retrouverez aussi bien dans le texte du colloque suivant que dans Politique de l’art ou dans les quelques entretiens et essais disponibles dans le site.

      J’ai fondé en 1990 les micro-éditions K’ De M pour — je cite Borges — « ne pas passer ma vie à corriger mes brouillons » ; je publiais alors, sous forme de brochures à faibles tirages, des textes d’Erstenes, de Jean-François Savang, d’Allin, de Rozenn Eon, et les miens. Cette expérience de la publication m’a conduit en 1993, avec ces amis ainsi que Laurent Pinon, Olivia Blondel et Julien Demarc, à créer la revue La Parole Vaine, dont un choix de textes publiés pendant trois ans est disponible sur ce site. En décembre 2001 naissait la revue MMI, en janvier 2007, la revue Enculer, fondée avec Antoine Hummel, Joachim Clemence et Oolong et en mai 2013 la revue Pré Carré. Cet attachement à suivre le travail jusque dans ses conditions d’apparition est évidemment la raison qui m’a conduit en 1997 à créer le Terrier.

Une petite partie de ce que j’aurais pu dire sur mon travail en 2002, sa genèse, les raisons qui me conduisaient alors à le poursuivre, fut l’objet d’un entretien avec Christophe Petchanatz réalisé pour son Rostre. Aujourd’hui, je reverrais sans aucun doute les trois quarts de tout ce bavardage, mais j’ai quelque chose sur le feu. Tant pis. »

L.L.D.M.

Ses créations